La semaine dernière, j'ai pu vérifier que la traînée des lignes pouvait-être un vrai problème pour une aile d'eau, notamment à basse vitesse.
"Too much drag. No enough control". Historique fameux de commentaire sur le facebook de Syroco |
La formule de base donnant la traînée D linéique (N/m) d'un cylindre de rayon R est bien connue :
$$D = \rho \cdot R \cdot CD \cdot V^2$$
$$\rho$$: densité de l'eau en kg/m3
R: rayon en m (le facteur 1/2 a disparu avec D=2R)
V: vitesse en m/s
CD: coefficient de traînée sans dimension.
On voit ici l'importance de réduire en parallèle le nombre de câbles et le diamètre des câbles en optimisant leur section en fonction de l'effort en traction maximal visé (qui va lui même dépendre de la traînée).
La valeur du coefficient de traînée d'un cylindre infini rigide évolue avec le nombre de Reynolds. Un tableau a été établi par Lienhard.
On peut voir qu'une variation d'un facteur 10 est à attendre en fonction du nombre de Reynolds.
Si l'on vise des vitesse de 1 à 30m/s et des diamètres de 0.1 à 10mm, on obtient un nombre de Reynolds entre 100 et 300 000 (3e5 au delà de la crise de traînée). On peut donc s'attendre à un coefficient de traînée entre 0.2 et 1.4 si le câble est immergé et considéré comme rigide.
On peut noter qu'au passage de la crise de traînée, une multiplication du diamètre par 2 pourrait conduire à une division du coefficient de traînée par 5. On pourrait donc réduire la traînée en augmentant le diamètre ! Cela semble cependant difficilement utilisable en pratique.
Plusieurs phénomènes modifient cependant la traînée :
- dissipation d'énergie par la vibration du câble flexible (strumming),
- ventilation : de l'air s'introduit dans la dépression créé par le sillage du câble,
- vague d'étrave et sillage de surface.
L’occurrence de la cavitation est peu probable dans notre cas, le câble traversant la surface de l'eau, il va d'abord ventiler.
https://figshare.utas.edu.au/articles/thesis/Hydrodynamics_of_vertical_surface-piercing_cylinders/23251181?file=40975403
https://www.researchgate.net/publication/336146259_Hydrodynamics_of_Towed_Vertical_Surface-Piercing_Cylinders
Vibrations
La dissipation de l'énergie (par "grattage") a été étudiée dans le cadre des sonars notamment.
- Determination of normal drag coefficients for flexible cables
- The Strumming Vibrations of Marine Cables: State of the Art
- Dynamics of undersea cables
n : nombre de segments du câble vibrant dans la longueur du câble
f : fréquence des oscillations
L : longueur du câble
T : tension du câble
$$m_{c}$$ : masse linéique virtuelle du câble (masse + masse ajoutée)
$$L={n \over 2f} \cdot \sqrt{{T \over m_{c}}}$$
La fréquence de Strouhal
$$St={f \cdot d \over u}$$
avec
d: diamètre du câble
u: vitesse relative du fluide
La formule suivante a été proposée (mais pas validée par d'autres études) :
$$CDs=CD \cdot (1+10 \cdot ({d² \over m{c}})²)$$
La masse ajoutée pour un cylindre est connue, elle est égale à la masse d'eau correspondante.
La formule précédente peut ainsi être réécrite :
CDs=CD.(1+10*(d²/(pid²/4(rho + rho_water))²
CDs=CD.(1+160/pi²*(1/(rho + rho_water))²
On peut voir que l'utilisation d'un câble plus dense (acier 8 fois plus dense que le dyneema qui flotte très légremment) est susceptible de réduire la traînée d'un facteur 4 pour un même diamètre.
Ventilation
On évite généralement la ventilation sur les surfaces portantes, car elle entraîne une perte de portance souvent amplifiée par un décrochage caractérisé par une hystéresis se traduisant par une perte de contrôle (le fameux spin out pour les amateurs de funboard). Pour cela mieux vaut avoir une coque au-dessus de l'appendice, empêchant l'entrée d'air. Des "fences" sont également utilisés sur les foils.
Dans le cadre d'un câble dont on veut réduire la traînée, la ventilation peut cependant nous sauver : pour une forme non profilée (comme un cylindre) elle va réduire la surface d'aspiration par l'eau sur l'arrière du profil.
En effet, lorsqu'on regarde le coefficient de pression sur un cylindre, on constate que la surpression n'est limitée qu'à 30/45° autour du point de stagnation. Au-delà c'est une dépression. La dépression entre 45 et 90° a une composante vers l'avant qui est directement compensée par la dépression entre 90 et 135°. Comme pour une aile, on peut considérer qu'1/3 de la force est lié à la surpression et 2/3 à la dépression.
On peut donc espérer réduire la traînée d'un facteur 3, plutôt 2 en pratique.
On utilise déjà la ventilation pour réduire la traînée des coques. Les bateaux rapides ont ainsi un tableau arrière droit. A partir d'une certaine vitesse le tableau se retrouve émergé. Cela augmente cependant la traînée à basse vitesse. L'utilisation d'un redan est un compromis permettant d'avoir du volume permettant de réduire la traînée à basse vitesse dans la partie qui va être émergée à plus haute vitesse. L'utilisation de la ventilation ne dispense cependant pas d'avoir des formes avant profilés.
La position idéale de l'aile d'eau étant proche de la surface, il semble possible d'obtenir une ventilation sur plusieurs mètres de longueur, mais de l'ordre du mètre seulement de profondeur jusqu'au foil. C'est ce qui peut-être observé par exemple sur les vidéos du projet Syroco.
Projet Syroco | |
Source syroco |
On voit que la ventilation conduit cependant à une perturbation de l'interface (sillage) et si elle réduit la traînée par rapport à un cylindre, cela ne veut pas dire que le cylindre est la forme optimale. En comparaison un kitefoiler allant à une vingtaine de nœuds, n'aura pas un tel sillage.
On constate aussi en regardant le sillage que la poche de ventilation semble plus importante sous la surface. Cela pourrait indiquer un stage de post base ventilation, indiquant que la poche de ventilation ne peut plus croître et donc qu'elle a atteint le foil.
Dans ces conditions, le coefficient de traînée est de 0.5.
La profondeur de la poche a été identifiée expérimentalement :
Hays 1947 |
Là encore la formule peut-être simplifiée, et on retrouve la formule de Bernoulli, avec un facteur d'efficacité réduit (0.286 au lieu de 0.5) qui doit correspondre au coefficient de pression à l'arrière du cylindre. La profondeur d'immersion ne dépend plus que de la vitesse.
$$L_{o}=0.286 \cdot {V^2 \over g}
Si on considère une profondeur du foil de 1m, la ventilation sera complète vers 10kt environ. Un coefficient correctif est peut-être à prendre en compte en fonction de l'inclinaison du cylindre par rapport à l'eau (vers l'avant ou sur le côté).
Idéalement, il serait possible de réduire la traînée encore plus en utilisant une section de carénage autour du câble permettant de réduire encore la traînée (mais le problème n'est pas simple et les solutions encore peu expérimentées).
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